Ces objets de correspondance, apparemment très simples, ont
fait l'objet d'une réglementation fort peu connue des collectionneurs,
philatélistes ou cartophiles. Il faut dire que les lois, décrets, instructions,
notes qui se sont succédés pendant 40 ans, ont suivi une logique pas toujours
évidente, voire contradictoire et pour tout dire pas très cartésienne. A
tel point que les agents des postes eux-mêmes eurent parfois quelques
difficultés à s'y retrouver.
L'emplacement du timbre fut pendant longtemps sur la face illustrée de la carte postale. L'envoyeur essayait de le positionner le mieux possible afin de ne pas masquer la photographie. Il y avait même une symbolique selon l'orientation du timbre (voir à la fin de la page : le langage codé des timbres). L'oblitération n'était pas toujours aussi légère que sur ces deux cartes postales.
Réglementation et affranchissement de la carte postale
Dès 1900, l’engouement pour la carte postale illustrée et sa
part grandissante dans le courrier transporté et distribué par la Poste
imposèrent à cette institution d’édicter des règlements stricts d’acceptation
et d’affranchissement, internes à l’Etat et aussi internationaux, en accord
avec ceux de l’Union Postale Universelle dont l’administration française des Postes
est membre depuis sa création en 1874.
Les dispositions réglementaires prises au début du XXe siècle
étaient, à bien des égards, fort pointilleuses et complexes. Jusqu’en 1904,
l’avers des cartes illustrées était destiné au cliché ou à l’iconographie ainsi
qu’à la correspondance, le revers exclusivement réservé à l’adresse avec la
particularité d’être non compartimenté d’où le vocable « cartes à dos non
divisé » souvent utilisé par les collectionneurs.
On s'explique la difficulté d'appliquer la réforme concernant l'écriture sur les cartes postales quand on découvre que sur celle-ci datée de 1906 seule l'adresse peut figurer sur une des faces. Le timbre n'a pas été oblitéré !
A partir de cette date, un décret obligea les éditeurs à
fournir à la clientèle des cartes à dos séparé permettant la correspondance
dans la partie gauche et d’inscrire l’adresse dans l’espace ménagé à droite.
La position du timbre commence à se faire en haut à droite
Leur affranchissement était soumis à deux régimes différents, suivant le
caractère d’affectation : correspondance personnelle avec appellation « cartes
postales », affranchissement à 10 centimes ; ou simple communication sans
indication spéciale dénommée « imprimés », affranchissement à 5 centimes.
De novembre 1899 au 1er avril 1920, le service des Postes adoptera pour le régime intérieur, un tarif réduit pour la carte postale contenant moins de 5 mots, il fut de 5 centimes jusqu'au 1er janvier 1917, puis passa à 10 centimes.
En 1924, cette carte de Mons-en-Barœul affranchie à 15 centimes, a été taxée de 20 centimes supplémentaires. L'oblitération marquée de la lettre T a été griffonnée suite à la perception de cette surtaxe. La complexité de la tarification, notamment selon le nombre de mots, était à l'origine d'incompréhension.
La lecture d’un extrait de la réglementation de cette époque
nous donne un plus ample aperçu des formalités nécessaires.
Conditions générales de circulation :
Obligation de circuler à découvert, c’est à dire sans bande,
enveloppe (même transparente), lien ou pli
Poids maximum : 5 grammes et minimum : 1 gr 1/2
Dimensions maxima : 14 centimètres sur 9 centimètres ;
minima : 9 sur 6
Indications permises au recto : nom, prénoms et adresse de
l’expéditeur, manuscrits, imprimés ou au timbre humide (sous réserve qu’un
espace suffisant soit laissé pour l’adresse très apparente du destinataire) ;
de plus pour le service intérieur seulement : vignettes, annonces ou réclames
Interdiction de joindre ou coller des objets quelconques,
sauf le timbre d’affranchissement ou une étiquette indicative des noms et
adresses de l’expéditeur et du destinataire dans le service intérieur
Le timbre peut être apposé au recto et au verso.
Sur ces 6 cartes de la même série éditées en 1908 par Ernest Le Deley (ELD), le timbre Semeuse de couleur verte à 5 centimes qui devait être apposé obligatoirement sur la face du côté de la vue photographique, trouve difficilement une place, plutôt dans un coin, qui ne masque pas trop certains détails du cliché. De même le postier qui a pratiqué l'oblitération manuelle s'est efforcé d'être discret en n'écrasant pas trop le tampon.
Sur cette autre carte de la même série, le postier a malheureusement mis deux oblitérations, dont l'une empiète sur des détails de la photographie. Pourtant l'expéditeur de cet envoi avait déniché le meilleur endroit possible pour mettre le timbre Semeuse de couleur rouge à 10 centimes, en le repliant même un peu sur le rebord.
Cartes disposées pour recevoir un texte au recto
Obligation de porter la mention : « Carte Postale »
Obligation de la division en deux parties par une ou
plusieurs lignes verticales très visibles, avec en-tête à droite : « Adresse »
ou « Adresse du destinataire » et à gauche : « Correspondance » (Arrêté du 18
novembre 1903).
Indications permises au recto : nom, prénoms et adresse de
l’expéditeur, manuscrits, imprimés ou au timbre humide (sous réserve qu’un
espace suffisant soit laissé pour l’adresse très apparente du destinataire) ;
de plus pour le service intérieur seulement : vignettes, annonces ou réclames.
Interdiction de joindre ou coller des objets quelconques,
sauf le timbre d’affranchissement.
Toutes les cartes postales illustrées qui ne satisfont pas à
ces conditions spéciales sont considérées et taxées comme lettres.
On connaît cette carte postale représentant le Vert Cottage de Gabriel Pagnerre avec des timbres Semeuse vert à 5 centimes et rouge à 10 centimes. Si l'illustration a été respectée, la légende a été en partie masquée par le timbre.
Affranchissement à tarif réduit :
Cartes considérées comme « imprimés », ne portant pas le
titre de Carte Postale, simple exception au tarif des cartes portant la mention
Carte Postale.
Etre expédiées à découvert ou sous enveloppe ouverte.
Ne porter, en dehors de l’adresse du destinataire et du
texte imprimé servant de légende à l’illustration, aucune autres indications
que les suivantes :
– Au recto et au verso : désignation ou signature de
l’expéditeur, date de l’expédition
– Au verso : expression, en cinq mots au plus, de formules
de politesse, vœux, souhaits, remerciements, condoléances telles que : Amitiés,
amicale poignée de main, à bientôt, bien à vous, bonne santé, bon souvenir,
bonne chance, bons baisers, compliments à tous, cordiales salutations,
embrassements à tous, félicitations, je pense à vous, je vous embrasse, merci,
ne m’oubliez pas, souhaits affectueux, tous mes remerciements etc.
Sur cette carte postale dite de commande de la Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul, l'emplacement du timbre est bien indiqué, en haut à droite, avec le rappel des tarifs postaux qui sont de 15 centimes (augmenté à 20 centimes) pour 5 mots et 40 centimes pour plus de 5 mots écrits dans la partie gauche réservée à la correspondance.
Observations complémentaires :
La carte postale illustrée n’est pas admise à circuler sous
bande à tarif d’un centime.
Toute mention étrangère, telle que prospectus, avis de
passage ou autre, lui enlève son caractère.
La légende de l’illustration doit être rigoureusement
imprimée.
Les conseils, renseignements, mêmes très généraux, tels que
: A vendredi, à voir, beau pays, bien arrivé, ça va bien, charmante journée, il
pleut, promenade des Glycines, revenez vite, etc. sont interdits.
Sont également frappées de la taxe les cartes portant des
mots isolés dont l’ensemble forme une phrase. Exemple : sur une carte, je ; sur
une autre, vous ; sur une troisième, prie ; sur une quatrième, de, sur une
cinquième, rentrer.
Sur les cartes illustrées disposées pour recevoir un texte de
correspondance au recto, et régulièrement établies à cet effet, les formules de
cinq mots peuvent être inscrites, soit au verso, soit au recto dans l’espace
réservé à la correspondance, soit partiellement au recto et au verso.
Où mettre le timbre pour ne pas masquer la carte de cette carte postale, tout en respectant la réglementation ? Une astuce a été trouvé en le repliant à cheval sur le bord de la carte !
Cartes postales illustrées expédiées sous bande : 0 fr.20
Portant mention de cinq mots irréguliers, à découvert : 0
fr.10, sous bande ou sous enveloppe : 0 fr.20
Portant plus de cinq mots, à découvert : 0 fr. 10 ; sous
enveloppe : 0 fr.20
Cartes dont la disposition est irrégulière. Exemple : Celles
transformées à la main en cartes de correspondance au recto : 0 fr.20
Cartes de poids et dimensions irréguliers : 0 fr.20
Les cartes pailletées (mica et verre pilé) ne sont pas
admises à découvert, mais sous enveloppes ouvertes.
Néanmoins les cartes perlées et givrées peuvent être
expédiées soit à découvert, soit sous enveloppes ouvertes.
Les mentions manuscrites non autorisées ou en chiffres
exposent les expéditeurs à encourir une contravention, en vertu de la loi du 25
juin 1856, lorsque les cartes ne portent pas le titre de carte postale.
Carte postale des transports automobiles et déménagements de l'entreprise Castelain au n° 35 rue Parmentier à Mons-en-Barœul, postée le 19 octobre 1928, timbrée avec une Semeuse violette de 40 centimes.
Cette carte postale est passée par Saïgon, ce qui explique son double timbrage avec une Semeuse verte à 15 centimes et un autre affranchissement à 3 francs de la République Française.
Dans le service international et franco colonial, les cartes
portant la mention Carte Postale ne sont pas admises au tarif de 5 centimes
(l’effacer à la plume).
Les conditions d’affranchissement, soit comme cartes
postales, soit comme imprimés, sont déterminées respectivement par les articles
15 et 18 du règlement de détail de la convention postale universelle. Elles ne
différent de celles du régime intérieur que parles points suivants :
L’adresse du destinataire peut figurer sur une étiquette
collée dont les dimensions ne dépassent pas 2 centimètres sur 5.
Pour certains pays, les timbres d’affranchissement doivent
obligatoirement être collés sur le recto.
Source: La Poste à la Belle Epoque.
Le langage codé des timbres
Nous connaissons tous aujourd’hui certains « raccourcis » utilisés lors d’envoi de SMS pour exprimer des sentiments comme « LoL » qui signifie le rire (Laughing Out Loud) ou « 😉 » qui est un smiley représentant un clin d’œil. Mais nous ne sommes pas les premiers à utiliser ce genre de langage secret.
Il est probablement difficile pour nous d’apprécier ce qu’était une technologie miracle du service postal pour toute personne vivant dans les années 1800. Alors que la royauté et les gouvernements géraient leurs propres réseaux de messagerie depuis des siècles, les premiers tarifs postaux sont étroitement liés à la distance parcourue par chaque lettre – comme une course en taxi – et seul le destinataire devait payer lors de la réception.
Ainsi, sans surprise, le service reçut un succès retentissant, transportant d’énormes volumes de courrier dans les années 1850, jusqu’à trois livraisons par jour.
Messages d’amour codés
La distribution postale a été un grand événement pour tous les ménages – riches ou pauvres – il était pratiquement impossible de recevoir un courrier sans que l’ensemble de la famille ne le sache. À une époque où « la morale victorienne » était au cœur de la vie privée, la messagerie privée personnelle entre les couples était très difficile.
La position du timbre pouvait cacher un message codé
Alors, comment parlaient-ils de leurs sentiments sans l’écrire ? Ils le codaient dans le positionnement des timbres.
Le timbre peut cacher un code secret
Le « code secret du timbre » a effectivement émergé à cause de la taxe qui était due au destinataire, comme un moyen d’esquiver les frais postaux exorbitants.
L’expéditeur codait alors une réponse simple en fonction du placement du timbre sur l’enveloppe – qui pouvait être « oui », « non » ou « tu peux venir ». Le destinataire pouvait alors examiner l’enveloppe, en déchiffrer le message, puis refuser de payer les frais de livraison en refusant la lettre non ouverte.
Ce langage existait également pour les pays anglo-saxons